Alors que dans l’hexagone, une pénurie de salariés se fait sentir dans de nombreux domaines, dans le milieu commercial, où cette pénurie existe depuis des années, les choses ne font que s’aggraver. La grande pénurie de commerciaux semble suivre la « Grande démission » Américaine…
La pénurie des commerciaux s’accélère avec la reprise économique, et les entreprises sont soumises à rude épreuve pour recruter les meilleurs talents commerciaux. Et cette pénurie est aggravée car es profils qui arrivent sur le terrain sortent souvent d’écoles de commerce ou de management. Ils y apprennent beaucoup de choses mais de moins en moins à vendre. Plus de social selling et moins de relation client. Un paradoxe et un écart criant entre le besoin des entreprises et les modules de formation proposés par nos institutions.
Nous le savons, les commerciaux ont souffert pendant de nombreuses années d’un manque de considération et on a pu leur associer tous les vices faisant d’eux les loups de Walstreet en quête d’une pauvre proie sans défenses à se mettre sous la dent. Et, bien sûr, sans aucuns scrupules en usant de mensonges et contre-vérités pour se rendre et rendre leur produit/service merveilleux.
Que de caricatures pour un si beau métier. Si complet, si difficile tant il demande des qualités personnelles, de compréhensions multiples, d’adaptabilité, de conceptualisation, de résilience, d’assertivité. Et on pourrait maintenant rajouter d’hybridation. Plus le choix, vous devez être un vendeur expert.
Le commercial, plus expert en solutions que vendeur d’exception
Le métier de commercial évolue, mais les bases restent les mêmes. Vous devez connaître votre offre sur le bout des doigts et créer une relation avec vos prospects et clients. Le contact humain est donc primordial, mais pas à n’importe quel prix. Soyez peu présent, mais ayez une prise de parole de qualité.
Concrètement, avant d’orienter votre lead vers un produit selon vos objectifs à vous, placez-vous de son point de vue à lui. En clair, étudiez bien les données à votre disposition et soyez pertinent dans vos échanges et votre relation client. Votre approche sera plus ciblée, percutante, et votre prospect vous écoutera avec attention.
Votre comportement doit également évoluer vers plus de transparence. Vous devez donc abandonner les techniques de vente dites traditionnelles et votre habit de vendeur pour revêtir celui d’expert ; conjuguez connaissances pointues de vos produits/services et écoute active pour conseiller et orienter au plus juste vos futurs clients selon leurs besoins exprimés et ressentis.
Un contenu fort pour apporter de la valeur ajoutée aux clients
Désormais conseiller et non plus vendeur, doit donner la preuve de son expertise à ses futurs clients. Pour cela, il doit créer du contenu afin d’apporter du conseil sur mesure à ses cibles primaires. Ce faisant, les contacts qualifiés viendront directement vers lui suite à la lecture des articles qu’il a écrits, à l’écoute de ses vidéos ou à la consultation des livres blancs mis à la disposition des prospects.
Le temps des appels à froid est derrière le commercial d’aujourd’hui. Le digital offre de nouvelles missions de prospection basées sur des actions marketing plus impactantes.
Les prospects veulent du conseil
En tant que commercial B2C, n’espérez pas avoir la primeur des informations et passer aux yeux de vos prospects comme le détenteur de l’information. L’essor du digital rend cela impossible. Pour autant, le rôle du commercial reste plus que jamais essentiel.
Face à de nombreuses offres parfois non lisibles, le commercial va devoir conseiller et accompagner ses prospects dans leur choix. Si vous souhaitez convaincre de nouveaux clients et développer vos ventes, votre stratégie commerciale en B2B comme en B2C doit se baser essentiellement sur une prospection ciblée, une attention vis-à-vis des signaux d’affaires faibles et une gestion des leads et recommandations efficaces.
Rémunération, conditions de travail, compétences…
Les dernières études montrent que le maître mot pour attirer de bons commerciaux, reste en premier lieu la rémunération. On a parfois des commerciaux très intéressés par un poste mais qui choisissent finalement une offre où le salaire est meilleur.
Pour autant, cet aspect n’est pas suffisant à lui seul. Il faut vraiment montrer aux candidats ce que peut apporter l’entreprise sur les conditions et la façon de travailler. Le commercial est un professionnel, il faut lui montrer quelles compétences techniques il va développer, comment on va l’aider à s’intéresser à son prospect pour découvrir ou faire naître le besoin.
D’ailleurs, mettre en avant la spécialisation croissante de la vente peut contribuer à redorer son image. Les profils commerciaux se sont développés avec leur lot d’anglicismes (ndlr : cela a le don de m’énerver!) « Business development representative, sales development representative, account executive pour la négociation, customer success manager pour la gestion du client sur le long terme… avant on avait un commercial full stack ou plutôt de compétences globales.
Cependant, la spécialisation permet de rencontrer les acheteurs en ayant un niveau de formation et de compétence bien supérieur : une nécessité face à des acheteurs BtoB de plus en plus formés et ayant désormais les mêmes exigences qu’en BtoC en matière de vente.
D’où l’importance aussi pour le commercial de développer le savoir-être. C’est devenu une notion essentielle : l’intelligence situationnelle, savoir faire passer de l’émotion aux clients. Car ceux-ci savent où acheter, parfois mieux que le commercial, donc il faut leur apporter une expérience un peu différenciante. C’est savoir développer sa marque personnelle (personal branding) et se rendre inoubliable par une Trace Mémorielle Durable (TMD). (Lire à ce sujet cet excellent article d’HBR sur « Augmentez votre TMD ».
Les commerciaux doivent donc avoir le sens du pitch commercial (en complément je vous invite à lire l’article « Booster votre story telling commercial« ), de l’assertivité, de l’écoute active, pour amener les bons éléments au bon moment, ce qui est parfois un problème.
Quelles sont les qualités fondamentales du commercial aujourd’hui ?
POur enrayer la pénurie de commerciaux sur notre territoire il faut changer de paradigme dans son approche. A mon sens les compétences à privilégier dans le recrutement et la formation sont à minima les 4 facultés ou acuités suivantes :
- La passion du commerce (ou du moins de la relation humaine) : car rien ne se fait bien sans envie, sans passion et exigence
- La maîtrise du cycle de vente : un fondamental pas toujours maîtrisé
- La capacité d’adapter le discours commercial en fonction de sa cible
- La résilience : car on ne gagne pas à chaque fois. Parfois le taux de transformation est faible et le processus de vente très long.
La formation est d’ailleurs une des clés pour revaloriser le métier de commercial, donc en fin de compte attirer plus de profils. « Aller vers plus de professionnalisation, faire monter en compétence. Je dirais que le rôle du manager est de donner envie. Le cri du commercial « qu’on me donne l’envie d’avoir envie » (Oui, je sais, ce n’est pas de moi )
Le rôle du management est déterminant et explique en partie cette pénurie de commerciaux. La relation humaine est primordiale : les managers ne sont pas que des gens qui regardent le chiffre d’affaires. Il faut qu’ils puissent dire ce n’est pas grave si ton chiffre d’affaires baisse en ce moment, on va faire en sorte que tu te sentes bien ici et que tu t’améliores. Il faut les fidéliser, être exigeant mais leur donner envie de rester, les former, les accompagner. Ainsi le manager commercial revêt de nombreux talents.
Des process et du sens pour vaincre cette grande pénurie de commerciaux
Il est essentiel de donner les bons process et les bons outils, comme une plateforme pour pousser automatiquement des actions en fonction des bons signaux. Aujourd’hui, il faut apporter des outils qui sont parlants, faciles, avec de l’ergonomie, utilisables tout de suite. Surtout avec les deux dernières générations de vendeurs.
Les commerciaux, comme les autres salariés, sont également en quête de sens. Le sens qu’on veut donner aux commerciaux, c’est qu’ils font le meilleur travail au monde parce qu’ils bichonnent les clients tous les jours. Ce qui assure la pérennité du business et la croissance de l’entreprise. Si nous manquons de commerciaux c’est aussi car nous n’avons pas su donner plus de sens au métier de commercial. Le placer dans le processus de décision de l’entreprise. Normal non quand c’est lui qui voit les clients tous les jours !
Quel process de recrutement ?
Le process de recrutement doit suivre un parcours amont bien réfléchi et bordé. L’onboarding et la période des 100 jours sont d’ailleurs essentiels. Mais on ne peut pas avoir une bonne exécution si les éléments de profils ne sont pas qualifiés en amont. Combien de fois j’ai pu échanger avec des commerciaux qui m’ont avoué avoir été formés en 1 journée, parfois 2 jours avec un catalogue produit et un tarif en guise de lecture avant de se coucher (…) Et le manager de rajouter quelques phrase assassine du type : « La vente s’apprend sur le terrain. Vas-y ! », « J’ai commencé comme cela, c’est la meilleure école » pour finir par un magistrale « De toute façon si tu ne sais pas tu m’appelles ! »
Pour faire face à cette pénurie de commerciaux il faut savoir, à l’instar des Xavier Niels ou autre mentors, voir au delà de la compétence. Se projeter sur ce que sera votre commercial dans votre entreprise plus que sur le chiffre potentiel immédiat qu’il serait en capacité de réaliser. Pas simple, surtout avec des variations économiques à court terme et des stratégies toujours en mobilité pour s’adapter.
Il nous faudra également tenir encore plus compte de leurs attentes. La derniére enquête menée par Les Echos et le CETELEM montre que leurs attentes se résument en 3 points :
1- Un meilleur salaire : pour 22 % d’entre eux
2- Plus de sens : pour 19 % d’entre eux
3- Un meilleur équilibre vie professionnelle vie privée revendiqué pour 14 % des commerciaux interrogés
Il est compliqué de faire bouger certaines lignes, de laisser sa chance à quelqu’un qui n’a pas la bonne carte de visite. Pourtant, aujourd’hui, il y a de belles reconversions. Quand on prend ce genre de risques, c’est payant, car ces profils nous rendent au quintuple, font des choses qui n’étaient pas possibles avant, ils se passionnent pour la vente. Si nos institutions ne forment plus à la vente il est donc ne notre obligation de le faire. Il ne faut donc pas hésiter à mon sens d’aller vers de nouveaux profils moins formés pour la vente (et mal formés) mais avec plus de savoir-être. La grande pénurie de commerciaux est bien là mais elle n’est pas inexorable.
Pierre Lestage - Siemens France
Posted at 20:45h, 02 aoûtArticle très intéressant. Je crois que nous ne sommes pas sortis d’affaire et que les fonctions commerciales restent décriées. Pourtant c’est un métier passionnant et épanouissant.
Comment voyez-vous le lien entre le marketing et le commercial ? Il me semble plus flou.
Merci pour votre expertise Serge. Notre équipe vous cite parfois lors de nos réunions commerciales (….) surtout quand nos chefs de secteur sont en désaccord. 🙂
serge
Posted at 16:03h, 16 aoûtBonjour Mr Lestage. Merci pour votre commentaire et votre interrogation partagée je crois par nombre de managers.
Je pourrais vous faire une réponse très détaillée et aller jusqu’à l’origine du marketing voire à vous parler de ce cher Kotler (cité mainte fois comme le père du marketing moderne) mais cela serait pompeux et avec peu d’efficacité. Je vais donc répondre très simplement: le marketing est vecteur d’émotion, créateur de différence et la vente vectrice d’action. Le marketing va me faire découvrir un besoin, générer une envie issu dune étude du marché, du comportement de ma clientèle sur ma zone de chalandise. A ce titre il me permet, en amont, d’adapter mon produit (depuis la R&D, mon service, mon offre pour rendre mes actions commerciales plus préparées, plus justes et donc plus efficaces. Sans marketing il n’y a que des offres génériques, globales et pas ou peu visibles qui se perdent dans un marché mal connu par l’entreprise.
Là où il y a malheureusement nombre de confusion c’est sur le fait que le marketing digital est l’alpha et l’oméga du marketing. C’est une négation de ce qu’est le marketing. C’est laisser croire qu’il n’y a qu’un canal (digital) pour toucher ses cibles. Que c’est seulement par ces canaux (réseaux sociaux en l’occurence) que l’on peux comprendre les attentes et comportements d’achat de ses clients. Une hérésie pour moi que je défends lors de mes interventions en école de commerce et auprès des Chambres Consulaires.
serge
Posted at 16:05h, 16 aoûtJ’en suis flatté. Merci.
Développez-leur le sens critique afin qu’ils mixent leurs pensée car je n’ai aucune vérité et ne voudrais être dogmatique. Juste une inspirateur de réflexion ce serait déjà beaucoup pour un simple consultant de province que je suis.